Aujourd’hui on va parler d’un phénomène qui me fascine toujours : cette gêne qu’éprouvent tant d’entrepreneurs, freelances et créatifs quand vient le moment de se faire payer. De gratter la moulaga.
Vous l’avez aussi déjà ressenti, non ? Ce petit pincement au ventre quand il faut envoyer une facture, ou discuter d’un prix.
Ce malaise quand un client vous dit “C’est combien ?” et que vous bredouillez une réponse désolée, l’air penaud.
Et le pire, c’est qu’on trouve toujours des justifications viteuf
"Oh, mais ça m’a pris seulement deux heures, je vais pas faire payer cher."
"Ils vont trouver ça cher et ça va les refroidir."
"C’est mon premier client, mieux vaut ne pas trop demander."
Spoiler alert : ce n’est pas une question de prix, c’est une question de mindset.
Pourquoi qu’on a peur de se faire payer ?
1. L’éducation et la culture
La culture française est une culture dans laquelle l’argent et la richesse sont tabous.
Alors que comme le dit très bien Michael Corleone dans le Parrain 3 :
Le dédain de l’argent est juste une autre astuce des riches pour en détourner les pauvres
Pour peu que ce soit dans un domaine créatif ou intellectuel, c’est encore pire : on parle souvent de “métier passion”, dans lequel il serait évident qu’il faudrait travailler pour un paiement misérable.
Pourtant les footballeurs, ils kiffent jouer au football, pas vrai ? Et pourtant l’équipe de France ne compte aucun smicard. Weird.
2. La peur du rejet
Derrière cette gêne à facturer, il y a souvent la peur de se prendre un "Non, c’est trop cher" en pleine face.
Comme si le fait qu’un client trouve ton prix trop élevé signifiait que ton travail n’a pas de valeur.
Alors qu’en réalité, il y a mille raisons pour lesquelles quelqu’un peut refuser un tarif : il n’a pas le budget, il ne comprend pas encore bien la valeur de ce que vous faites, ou il préfère juste négocier. Ça ne veut pas dire que vous ne valez rien.
Juste qu’il y a un peu de boulot pour arriver à la fin.
3. Le syndrome de l’imposteur
Je vais pas vous faire un tableau de ça parce que je suis sûre que vous en avez déjà entendu parler :
"Et si le client se rend compte que je suis une fraude?"
A ce stade j’espère que vous aurez compris un truc :
Dans ces différents éléments, aucun ne parle de l’élément pourtant central de tout ça : la prestation ou le bien que vous vous apprêtez à vendre.
Interlude comique : Quand ne pas se faire payer devient (inconsciemment) une stratégie de contrôle
Il y a aussi un autre phénomène, plus subtil, qui pousse certaines personnes à retarder l’envoi de leur facture, voire à “oublier” de se faire payer : le besoin de garder une forme de pouvoir sur le client.
Tant qu’un client vous doit de l’argent, il reste “redevable”. Il ne peut pas complètement vous ignorer, il doit répondre à tes messages, et quelque part, vous restez dans son orbite. Ça peut être inconscient, mais pour certains entrepreneurs, cette dynamique les rassure : ils ont peur que, une fois payé, le client disparaisse et ne fasse plus appel à eux.
Ou juste de perdre leur pouvoir.
Plusieurs personnes m’ont même dit ressentir quelque chose comparable à la séduction : “ça m’intéresse jusqu’à ce qu’on arrive au lit, parce que j’aime le processus de séduction, mais une fois qu’on y est… J’ai qu’une envie, me barrer”.
Le problème, c’est que ça ne joue pas en votre faveur sur le long terme. D’une part, ça brouille la relation pro (les clients sérieux préfèrent les gens qui facturent en temps et en heure). D’autre part, ça vous met dans une posture bancale où vous attendez (parfois indéfiniment) un paiement au lieu de chercher de nouvelles opportunités.
Moralité ? Une relation saine avec un client, ce n’est pas une dette implicite qui flotte dans l’air. C’est un travail rendu, un paiement effectué, et une confiance mutuelle qui se construit sur autre chose que des arriérés de factures.
Je vous rassure, depuis tout à l’heure je vous fais la leçon sur ça, mais je suis la première concernée : je sais que personnellement je ressens toujours de la joie à voir mes factures “envoyées mais pas payées”, car je me régale à l’idée que bientôt, du cash va rentrer.
Et quand le cash rentre, je ressens toujours un peu d’anxiété.
Genre : “what if je fais n’importe quoi avec ce cash je le perds ?”
(Sans doute la conséquence d’avoir encaissé un chèque de 60 000€ en 2015 et d’avoir fait n’importe quoi avec).
Alors comment on s’y prend ?
1. Garder en tête que la circulation de l’argent matérialise une création de valeur.
Facturer, ce n’est pas "voler" ou "arnaquer" quelqu’un. C’est simplement un échange équilibré : votre temps, votre expertise et votre travail contre une rémunération juste.
Imaginez si votre boulanger vous donnait gratuitement vos croissants du matin en disant "Oh, mais ça m’a pris 10 minutes à faire, ça va". Absurde, non ?
Perso à côté de chez moi il y a un pâtissier qui vend des croissants à 2€20. Oui c’est reuch par rapport à la moyenne 1€20.
Et pourtant, ils sont exceptionnels. A chaque fois, je me dis que c’est le meilleur croissant que j’ai mangé de ma vie.
Parce que le savoir-faire est unique, le goût est unique, la texture est unique, etc… Tout le savoir-faire de la pâtisserie française dans une viennoiserie quoi.
Tout ça, ça justifie de l’acheter plus cher que le croissant de base indus’… Ou pas, si t’es pas fan de croissant.
Et c’est ça le point : Vous aussi, vous êtes exceptionnel. Donc c’est à vous de trouver qui sera prêt à prendre votre croissant :3
2. Soyez au clair sur votre façon de fixer le prix
Vous ne pouvez pas fixer le prix de votre service ou produit trop tôt, en vrai.
Quelques petites questions à se poser :
-Que va retirer mon client de notre collaboration ?
-Qu’est-ce que ça va changer précisément dans sa vie, et quand ?
-Est-ce que je suis capable de le quantifier ? Qu’est-ce qu’il me faudrait pour pouvoir le faire ?
Je vous conseille de zoomer au maximum sur ce que vous proposez : plus c’est précis, plus vous vous sentirez en confiance de négocier un prix élevé.
En résumé lel.
D’ailleurs pour l’anecdote : c’est parce que dans mon cas, je n’ai AUCUNE visibilité sur la valeur que je crée (les personnes que j’accompagne sont mieux à même de le déterminer), mais que j’ai une TOTALE confiance dans mon interlocuteur, que je choisis de leur confier la lourde tâche de déterminer ma rémunération.
Du coup, si vous n’avez vraiment AUCUNE idée de comment tarifer, surtout quand vous vous lancez, il y a toujours une carte joker qui marche à tous les coups :
“Qu’est-ce que tu envisages au niveau du budget ?”
3. “No” is ok.
Un client qui refuse votre tarif, ce n’est pas un jugement sur votre valeur. C’est juste un signal qu’il n’est peut-être pas la bonne cible, ou qu’il ne voit pas encore ce que vous lui apportez.
Petit exercice mental : la prochaine fois qu’on vous dit "C’est trop cher", remplacez le “Je suis nul” automatique dans votre tête par "Peut-être qu’on n’est pas fait pour bosser ensemble (and that’s fine)."
4. Automatiser la facturation (ENVOYEZ VOS FACTURES !!)
Si l’acte d’envoyer une facture vous met mal à l’aise, rendez la aussi automatique que possible.
Perso pour ça je ne jure que par Shine :
-Factures faciles à faire (il récup même les mentions légales de la boîte en utilisant le numéro de SIRET).
-Mail “impersonnel” qui permet de ne pas parasiter la relation personnelle avec vos clients.
-RELANCES AUTOMATIQUES MAIS QUEL BANGER.
Moins d’émotionnel, plus de pro. Plus de pro, plus de sous. Plus de sous… Plus de sous.
5. Travaillez votre posture
Le vrai shift se fait dans ton état d’esprit. Si vous vous comportez comme quelqu’un qui doute de sa valeur, ça va se sentir. Mais si vous êtes confiant, il y aura plus de chances qu’ils l’acceptent sans broncher.
Alors, la prochaine fois que vous vous apprêtez un prix, faites ce petit exercice : demandez-vous comment la version de vous qui a réussi dans l’entrepreneuriat se sentirait, à l’idée de négocier un prix ?
Probablement à l’aise, franche sans être brutale, et en précédant le tout d’une exposition claire du produit qui va être vendu, non ?
Bon bah alors, qu’est-ce qui vous empêche d’agir déjà comme cette personne ?
Curieuse d’avoir votre réponse !
Allez, @+ dans l’bus !
Cyrielle
P.S : Pas de question qui tue cette semaine car pas de question qui tue reçue dans mon inbox :3 ! Il ne tient qu’à vous de changer ça !
P.S.2 : ENVOYEZ VOS FACTURES !