Comment j'ai perdu 50 000€ et j'en suis finalement heureuse ? (Partie 1)
Je me mets à table !
Allez, il est temps que je fasse péter un tabou.
Vous l'aurez compris, l'écriture de cette newsletter a pour ambition de vous aider à avancer dans votre parcours entrepreneurial… Tout en me livrant à l’introspection sur le mien.
Et en six mois d'écriture hebdomadaire sur cette newsletter, je me suis livrée à vous, semaine apres semaine. Certains d'entre vous m'envoient des petits mots, d'autres me disent au détour d'une conversation qu’ils aiment bien ce que j’écris : j’ai découvert une autre façon de me connecter aux autres, plus lente, qui se distille presque goutte à goutte.
Et ça me rend heureuse.
Je me rends compte qu’une de mes valeurs fortes c'est l’authenticité, ou en tout cas l’affirmation par l’individu de son caractère unique. Ça m’émeut chez les autres, et ça me touche chez moi. Surtout quand c'est une authenticité paradoxale (j’écris depuis le siège du salon de coiffure entre deux étapes de ma patine blond platine…).
Et au bout de six mois, ça y est, je suis capable de le dire avec clairvoyance : J’ai perdu 50 000€ dans VoxWave et je suis finalement heureuse que ça se soit passé comme ça.
VoxWave, je vous le rappelle, c'était ma première boîte, avec laquelle j’ai développé ALYS, la première chanteuse virtuelle francophone.
C'était un projet terriblement ambitieux en 2014 et ça l'est toujours aujourd'hui : faire émerger un nouveau visage de la pop culture francophone, en France et à l'international, dont les aventures seraient developpées par une participation communautaire.
En clair, on développait un ensemble d’outils créatifs (logiciel de synthèse de chant, modèle 3D, etc). Puis, on co-créait l’univers (albums, clips, concerts) avec notre communauté.
Enfin, ça, c'était l'ambition.
On a eu quelques coups de comm’ sympas : inscrire ALYS aux sélections françaises de l’Eurovision par exemple (ça a créé tellement de drama, c'était beau).
On a eu de très belles choses qui ont eu lieu comme :
-On est arrivé à créer tous les outils autour de notre chanteuse virtuelle. Logiciel de synthèse de chant, deux modèles 3D, de nouvelles tenues régulièrement… Ca marchait !
-On a réussi à produire des concerts en hologramme la mettant en scène, dont le plus beau reste Rêve de Machine, le spectacle qu’on a joué au Trianon le 16 décembre 2016.
-On a surtout créé une communauté de fans absolument magnifiques qui réunit encore aujourd’hui des gens d’absolument tous les horizons. Je vous laisse d’ailleurs ci-dessous un petit florilège de mes créations préférées du public.
Et pourtant…
Je n’ai jamais gagné un euro avec cette boîte.
Ca s’est fini avec un procès aux prud’hommes qui a duré de 2016 à 2020, qui a été l’une des épreuves les plus difficiles de ma vie.
J’ai subi du cyberharcèlement qui a affaibli pendant des années ma confiance en moi.
Et j’ai perdu 50 000 balles :
-Les 3 000 que j’ai investis à la création de la société.
-Les 7 000 que j’ai investis au fur et à mesure, pour venir en aide à la boîte.
-20 000 lié à un prêt d’honneur de Scientipole Initiative, obtenu en 2015.
-20 000€ de l’héritage de mon Papi en 2016 (c’est ceux où ça m’a fait le plus mal parce que c’est tout ce que j’ai hérité de lui physiquement…).
Avec le recul… Eh bien, maintenant, je n’ai aucun regret.
Pourquoi ?
Vous vous rappelez de l’énigme de l’acier la semaine dernière ? On est en plein dedans.
Je n’ai pas fait d’école de commerce.
Et pourtant, je me sais maintenant profondément entrepreneure.
50K€, c’est moins que les frais de scolarité de HEC, de l’ESSEC ou de l’ESCP.
Et pourtant qu’est-ce que j’aurais appris de choses.
Sur moi.
Sur mon entourage.
Sur le monde.
Cyrielle, la fille que vous connaissez aujourd’hui, n’existerait peut-être même pas aujourd’hui, si je n’avais pas vécu tout ça.
Aucune école n’aurait pu me donner ça.
Pour bien comprendre, je vais vous raconter trois épisodes de la vie de VoxWave, qui sont ceux qui m’ont le plus apporté avec le recul.
Trois parties, trois newsletters… Vous allez me subir ;) !
Ce premier épisode pourrait s’appeler : “Comment on sort un nouveau produit quand on n’a pas une tune”.
Retour en 2013 : De la hype, de la hype, encore de la hype.
“Elle vient vraiment de nous ramener 10 ans en arrière Doc’ ?” “Nom de Zeus, regarde moi tous ces memes pourris Marty. Je suis pas ici pour souffrir. La routourne va tourner. Ils sont tous là !”
Je viens de fêter mes 25 ans, et mes deux futurs associés me donnent leur accord pour que je devienne cheffe de projet sur ce qui n’est à la base qu’un projet qui a émergé sur un forum en ligne.
A l’époque, l’objectif était le suivant :
-Obtenir une licence de développement avec le logiciel dominant sur le marché (développé par un grand consortium japonais, appelons le Mishima Zaibatsu). Cette licence aurait comporté notamment l’autorisation de sortir une “banque vocale” francophone compatible avec ce logiciel, moyennant quoi on leur aurait versé une rétro-commission.
A l’origine, le plan était d’aller voir un sous-contractant disposant d’une licence, pour pouvoir sortir notre banque vocale avec eux.
Et de financer tout ça par un crowdfunding.
Dans toute cette affaire, nous avons un middle man qui travaille avec Mishima Zaibatsu. Appelons le Norbert, avec qui nous échangeons fréquemment.
En examinant ce plan d’un peu plus près, je me suis rendue compte que ça nous amenait à un problème essentiel pour moi à l’époque :
Si on faisait ça, on allait faire payer à nos fans un produit dans lequel on ne jouerait un rôle ni dans la production, ni dans la distribution, puisque ce serait le sous-contractant qui s’en chargerait.
Et c’est ce même studio qui empocherait tous les gains financiers… Sans aucune contrepartie pour nous.
Ajoutez à cela le fait que notre interlocuteur parlait très mal anglais, que des intervalles de plusieurs mois existaient sans aucune réponse à nos emails.
Bref… L’idée germe au cours d’un échange que peut-être nous pourrions aller directement négocier avec Mishima Zaibatsu la licence de développement… Ce qui nous permettrait d’être en responsabilité par rapport au produit qu’on développe, et d’avoir plus de liberté par la suite si nous voulions en développer d’autres.
L’idée ne me semble pas délirante : après tout, je viens d’une brillante école dans la recherche, et les autres studios européens sont plus ou moins des SATT (des sociétés fondées par des chercheurs). Donc pourquoi Mishima Zaibatsu n’en voudrait pas ?
Après échange avec Norbert, nous lui faisons part de cette idée. Il applaudit notre enthousiasme, et nous conseille de faire un dossier de présentation pour le projet, qu’il pourrait envoyer à Mishima Zaibatsu.
Nous nous plions à l’exercice en en faisant l’occasion de faire une vraie étude de marchés auprès de notre clientèle cible.
Par chance, notre public est très enthousiaste, et nous récoltons un millier de réponses en moins d’un mois, que je vais utiliser pour construire l’étude, me disant qu’a fortiori vu la ferveur du public ça devrait convaincre Mishima Zaibatsu. Il se chargera lui-même de l’envoyer à Ryufuku-san, le lead dev de Mishima Zaibatsu, qui fait la pluie et le beau temps.
A cette époque là je n’ai aucune idée qu’un marché de 100 000€ (100€ x 1 000 personnes), c’est vraiment pas gros.
Moi tout ce que je vois c’est notre prédécesseur, Sonido, produite par Gotham Mirai :
-Plus de 100 000 utilisateurs partout dans le monde.
-Des milliers de chansons dont de vrais tubes.
-Des collaborations avec des artistes de premier plan (aux US notamment).
-Des concerts incroyables.
Alors… Si Sonido a réussi à révolutionner le marché japonais… Pourquoi pas nous ? Et ça, ça restera toujours ma position. Pour moi Sonido est la précurseure d’ALYS, pas la chanteuse virtuelle ultime.
Alors bon, peu importe que le marché fasse 1000 clients aujourd’hui. Un jour on en aura 100 000 voire plus, et on aura développé un marché de nulle part.
Du coup, on applique, sur les bons conseils de Norbert, le plan.
On fait une étude de marché.
On crée une hype autour de ALYS :
-Décembre 2014 : on donne un nom à ALYS avec notre communauté.
-Mars 2014 : on dévoile son design. Notre page Facebook dépasse les 10 000 likes. Alors qu’on n’a rien.
-Avril 2014 : on dévoile un extrait audio de la doubleuse d’ALYS : on dépasse la dizaine de milliers de vues en quelques jours.
On veut croire que Mishima Zaibatsu trouve notre projet intéressant car sur la page officielle dédiée aux chanteurs virtuels, un fanart avec ALYS est posté sur le site. Encourageant, non ?
Mai 2014 : Mokusatsu : la mort par le silence.
Comme nous n’avons toujours aucune réponse de Mishima Zaibatsu au mois de mars, je me dis que… Je vais partir au Japon.
En effet : en septembre 2013 j’avais décroché une place pour partir à l’université de Tokyo au Japon pendant l’année, autant de temps que je voulais.
Problème : je sors de l’agrégation (que j’ai loupée) et je suis très déprimée. Pas par mon échec, mais plutôt parce que je me sens en violente rupture avec le milieu de mon école. Donc je ne me sens pas capable de partir.
Et là, sur un coup de tête, après une discussion avec Norbert autour d’une bière à Londres avec une de mes associées, je me dis que je vais aller sur place et obtenir la réponse.
Comme à l’époque je prépare une thèse, j’arrive aussi à faire financer une partie du voyage par mon labo (et je vais effectivement bosser sur ma thèse en parallèle… D’autant que j’apprends que je suis l’une des seules personnes du labo à n’avoir jamais fait appel au budget en quatre ans… Je ne savais même pas qu’il y avait un budget).
Evidemment, on médiatise ça via les réseaux sociaux pour essayer d’avoir des contacts au Japon.
Et on se retrouve avec un nouveau middle man, japonais cette fois, qui veut nous aider à avoir une licence de développement. Cool !
Je rencontre donc New Bear dans un de ces restaurants urbains typiques de Tokyo, moins de 48H après mon arrivée sur le campus de Komaba.
Il m’assure de son soutien et me présente d’autres interlocuteurs, un autre studio, Podium International, qui va nous servir de middle man.
D’autres échanges suivent, et ça a l’air bien parti tout ça. Je passe une excellente soirée au restaurant avec Podium International qui m’assure de leur soutien. Ils m’emmènent dans un magnifique restaurant où nous discutons aussi d’autres sujets (j’apprends notamment que là où moi, j’avais des sangliers qui entraient dans mon lycée, pour le PDG de Podium International, ce sont des ours.)
J’apprends également que Ryufuku-san est un homme extrêmement occupé, un peu capricieux, mais hey, on devrait pouvoir s’arranger avec lui.
Le mois de mai se passe tranquillement, je sors tous les jours, je progresse en japonais, je rencontre des tas d’artistes.
Dites-vous qu’à ce moment là je n’ai basiquement rien à faire de mes journées à part explorer Tokyo et prendre des contacts.
Alors je rencontre des tas de personnes différentes :
-Un artiste ancien SDF qui m’explique être rentré dans les locaux de Gotham Mirai en offrant des donuts au gardien avec un contact pour pouvoir sortir son album.
-Une Américaine venue de l’Ohio qui va m’inviter à l’hôtel militaire américain en plein coeur du quartier des ambassades (où j’ai mangé un bon burger qu’elle m’a payé en $$$)
-Un compositeur de chansons de Touhou Project qui compose en français, avec qui d’ailleurs une de mes associées bosse encore aujourd’hui. Ca tombe bien, je l’avais contacté pour ça !
-Un fan random de chanteurs virtuels mais qui se demande ce que je viens faire ici.
-Et tellement, tellement d’autres.
Précisons qu’évidemment, parmi mes interlocuteurs japonais, très peu parlent anglais. Vous comprenez pourquoi j’ai progressé?
J’essaie évidemment par tous les moyens d’entrer en contact avec Mishima Corporation, et à rencontrer Ryufuku-san, le mystérieux lead dev que tout le monde connaît (sauf moi). J’arrive d’ailleurs à trouver d’autres personnes qui peuvent nous mettre en contact. Et… JE FINIS PAR DECROCHER UN RENDEZ-VOUS. le 12 juin 2014.
Sauf que…
Ca n’est pas au nom de VoxWave.
Vous vous rappelez, au tout début je vous ai dit que le projet émergeait d’un forum en ligne ?
Eh bien, il se trouve que je fais partie du staff de ce forum en ligne, qui promeut tous les chanteurs virtuels.
Donc j’utilise cette casquette pour rencontrer le community manager de Mishima Corporation.
Une bonne occasion de parler de VoxWave, pensez-vous ?
Haha. Accrochez-vous.
Le 2 juin 2014, je reçois un email. Podium International m’écrit :
-Mishima Corporation ne souhaite pas travailler avec vous. Ils sont extrêmement offensés par votre attitude. Ils estiment que vous tentez de leur mettre la pression avec votre projet et votre façon de communiquer. En conséquence, ils refusent tout échange avec vous.
En échangeant avec mes interlocuteurs sur cette situation, un mot surgit à un moment “Mokusatsu”.
“Tuer par le silence”, littéralement.
Evidemment, j’avais potassé ma culture japonaise avant de partir, notamment avec une amie japonaise qui m’avait donné quatre conseils :
Emmener des cadeaux
Arriver à l’heure aux rendez-vous
Être très patiente car au Japon, on ne vous dit pas non, on vous dit “c’est difficile”.
Me tailler les poils de nez
J’avais évidemment appliqué les quatre conseils.
Mais je ne m’attendais pas à entendre un concept qui semblait littéralement sorti de ces clichés sur la société de cour de l’ère Edo.
Et pourtant, c’est ça que je me mange.
Evidemment, je déraille un peu. Ce jour là je me rappelle, ma prof de japonais me voit dévastée, elle essaie de me réconforter mais… Allez expliquer une situation pareille.
(Bon, pour l’avoir revue l’été dernier, elle m’a dit qu’elle était confiante sur mon ingéniosité et ma capacité à rebondir et qu’elle était fière de moi. Et je vous avoue que j’ai pleuré après qu’elle m’ait dit ça. Ito-sensei <3.)
Evidemment, en France, quand je transfère le mail, c’est la panique.
Car oui, on a une petite équipe qui s’est constituée autour du projet, et on me donne tous les conseils et reproches du monde.
-Va les voir, mets toi en dogeza, et supplie les.
-Mais en même temps c’était EVIDENT que tu allais les contrarier, rohlala quelle amatrice
-Dis-toi que tu dois amadouer un tigre avec une plume
Le dogeza. Ca fait envie hein ?
Tout ça ne me dit pas quel doit être mon prochain move.
Et pourtant… Il y a une petite voix dans ma tête qui me dit : “Ne lâche rien Cyrielle, il y aura bien une ouverture. Garde confiance et attends”.
Je pars donc une semaine comme prévu avec Benjamin et on se tape notre MEILLEURE VIE, ça restera mon meilleur voyage.
Un vrai moment de BROMANCE.
Deux gaijins au Japon. Oui c’est moi à droite. Cette dégaine de tanuki ça me TERMINE.
Juin 2014 : Une offre que je ne peux pas accepter, mais que j’ai pourtant accepté
Retour à Tokyo quelques jours plus tard. Il ne me reste qu’une vingtaine de jours pour trouver une solution.
Evidemment je fais l’entretien chez Mishima Zaibatsu qui est une BLAGUE TOTALE. Quelque part il y a une photo de moi dans leurs locaux, à côté d’une affiche de Sonido. Et j’ai le sourire en plus.
Le gars me dit : “C’est un jour important, on va écrire de grandes choses ensemble”.
Quelques mois plus tard, toutes les mentions de cet événement seront supprimées par Mishima Zaibatsu. Oops…
Il se trouve que parmi mes contacts d’alors, l’un d’entre eux est en contact avec un concurrent de Mishima Zaibatsu. Crescendolls.
Crescendolls, c’est le leader incontesté dans le domaine de la musique et du jeu vidéo. Beaucoup plus gros que Mishima Zaibatsu.
Ils ont un logiciel concurrent qui devrait voir le jour bientôt.
Je les rencontre une première fois pour leur présenter le projet, ce qui amène deux trois échanges un peu étranges.
-Mais comment tu vas aller à Londres, à la nage ?
-Et pourquoi tu dis que vous allez entrer sur le marché francophone ? En Belgique, ils ne parlent pas belge ?
Au final, ils vont me faire une offre : pour 250 000 euros, on aura une licence de développement sur leur logiciel.
Sur le moment, je me dis qu’en allant chercher des subventions et en levant des fonds… Ca devrait le faire.
J’insiste : pour moi le projet est énorme et révolutionnaire. 250 000 balles comme ticket d’entrée ? Ben let’s go. Surtout qu’on pourra dire partout qu’on utilise un produit Crescendolls, et ça, ça devrait nous servir de carte de visite.
Avec le recul, je réaliserai par la suite que c’était une autre façon pour les Japonais de vous dire non : vous faire une offre que vous ne pouvez pas accepter…
Sauf que moi j’ai accepté à condition qu’ils acceptent de m’aider à monter un dossier de subvention, ce à quoi ils me disent oui.
Et deux jours plus tard… Me voilà de retour à Paris, pile à temps pour… Japan Expo.
Un peu dépitée par le contenu professionnel de mon séjour, mais enchantée par toutes les nombreuses rencontres que j’ai faites, et les amitiés que j’ai tissées, et qui perdurent encore aujourd’hui.
Une part de Cyrielle est née à Tokyo et elle y est restée, part à laquelle je ne me suis reconnectée que l’été dernier…
Malgré tout, j’ai la ferme détermination qu’on donnera une voix à ALYS. Quoi qu’il en coûte !
Et après alors ?
A Japan Expo, j’apprends que Ryufuku-san est là. Et d’ailleurs mes associés l’ont rencontré.
Après avoir fait le tour du globe pour le rencontrer et qu’il m’ait claqué la porte au nez, le type se pointe à Japan Expo en terrain conquis ?
Et là on me dit : “tu devrais aller lui parler”?
No way.
En fait, à ce moment là, je pète un câble. Rire démoniaque façon méchant d’anime. Oui oui, exactement ce que vous là, les fans d’animes qui me lisez, vous avez en tête.
Je suis la Lame Yagami originelle faut croire…
Au final, je préfère ne pas y aller, parce que je suis trop éprouvée nerveusement. C’était AFFREUX !
A ce moment là, avec mes associés, on a un nouveau plan d’action :
-Sortir un prototype d’ALYS sur une technologie libre et gratuite, mais pas du tout user-friendly.
Ce move nous sera reproché par toute une partie de la communauté pour avoir qualifié le logiciel de “rustique”. Ce qui est tout de même sacrément ironique c’est qu’alors qu’on a produit notre premier album avec ce logiciel, lorsque ce logiciel réclamé par des centaines de personnes sera enfin publié en 2021 après la liquidation de VoxWave, la plupart se plaindront alors que “ce logiciel est inutilisable” et que “c’est une honte de mettre à disposition ça, même gratuitement”.
Je ne vous ai rien dit jusqu’à présent sur les haters mais c’est un bruit de fond omniprésent : des insultes sur tous les réseaux, principalement en provenance de la communauté anglophone des chanteurs virtuels. Ce bourdonnement durera de 2014 à 2020 à peu près.
Bizarrement, maintenant, ils sont tous nostalgiques…
Ca amène des citations assez drôles, ma préférée restant parmi toutes : “On ne peut pas fêter l’anniversaire d’ALYS car son logiciel n’est pas encore sorti ! Donc non, ALYS n’a pas un an, elle a 0 an, elle n’existe pas !”
Une personne nous attaquera aussi fréquemment pour appropriation culturelle, cette même personne parlant dans un mélange d’anglais et de japonais (kawaii desu) et adorant les chansons de Sonido qui arborent des symboles japonais nationalistes… Incroyable.
Fin de la parenthèse hater !
Le reste du plan était flou mais pouvait se résumer par : sortir un maximum de contenus avec ALYS, communiquer tous azimuts, créer des produits et les vendre en convention. Bref, vendre, vendre, vendre.
J’avais la conviction qu’avec le design magnifique d’ALYS, et les premiers titres, on aurait de quoi donner envie aux gens de nous soutenir.
Et c’est vrai, ça a marché.
Pour autant, le logiciel final d’ALYS ne sortira qu’en… mars 2016, pour les deux ans d’ALYS.
Ce sera notamment au terme de :
-Un échange infructueux avec le plus grand labo de recherche acoustique français (qui nous reprochera de vouloir “réduire leur technologie à un personnage de dessin animé pour enfants”. En vrai c’était pas faux).
-Un voyage à Montréal où ENFIN on négociera un accord de collaboration pour utiliser une techno de synthèse de chant (tout faire from scratch c’était… périlleux et long. Sans compter qu’on n’avait pas les compétences).
-Et la dernière news évidemment : le 10 mars dernier, pour les dix ans d’ALYS, on a publié avec les petits pipous d’UFR (Utau French Resources une version entièrement gratuite d’ALYS sur Diffsinger ! Si vous avez envie d’aller tester c’est par ici !
. Comme quoi UTAU c’est RUSTIQUE mais c’est BIEN au final ! (Quelqu’un peut me filmer en train de le dire ? :D)
Un tabouret rustique : On peut s’y asseoir, il fait le job, il n’est pas confortable.
Qu’est-ce que tout ça m’a appris ?
A écrire cette newsletter, je me rends compte que c’est VRAIMENT SUPER DUR de vous raconter cette histoire. Parce que c’est compliqué, et qu’il y a des rebondissements partout. Et encore, j’ai abrégé et tout simplifié pour que ce soit plus compréhensible pour vous !
Le plus surprenant pour moi, c’est que je n’ai plus d’émotions en vous racontant ça : je réalise que j’ai vraiment fait le deuil. Bon, c’est vrai, j’ai un peu d’agacement en repensant aux haters (parce que la plupart sont d’une bêtise crasse). Mais en même temps, c’était vraiment rigolo de voir autant de gens rager juste parce que des Frenchies à l’autre bout du monde développaient un produit qui visiblement ne leur revenait pas.
Le plus drôle c’est que par la suite certains de ces haters par la suite ont voulu faire des collab’…
Ce que ça m’a appris c’est qu’en réalité, quand on a un objectif clair, et qu’on se met en action, le chemin est autant voire PLUS intéressant que l’arrivée.
J’ai toujours été passionnée par le Japon, mais je ne m’imaginais pas y voyager dans ces circonstances, principalement “pour affaires”.
Ca m’a faite m’ancrer dans le présent, et m’obliger à voir les choses comme elles étaient, plutôt que de la comparer à mes connaissances préconçues du Japon.
Mon seul regret, c’est peut être l’anxiété que j’ai eue pendant une grosse partie du séjour, et qui m’a empêché de tout apprécier.
Et en même temps, je me rappelle de vrais moments de bonheur, de promenades dans des paysages fantastiques, et de jogging à 5H du matin dans un Shibuya vide absolument magiques. Je me rappellerai toujours des lampions dérivant l’Asanogawa à Kanazawa, des nombreuses soirées à manger et discuter dans des izakayas, et de toute la vie culturelle dont j’ai profité.
C’est incroyable, quand on se met en mouvement, le nombre de personnes qu’on rencontre sur sa route et qui nous font grandir.
La deuxième leçon qui me semble essentielle, c’est qu’il faut apprendre à se protéger émotionnellement et protéger sa boussole intérieure. Tous ces rebondissements étaient épuisants. Vous vous doutez que quand on m’a suggéré de me mettre en dogeza pour “me faire pardonner de mon erreur honteuse”, j’étais furieuse.
Avec le recul, après trois ans de thérapie du travail, je me rends compte que c’était MON gros problème de l’époque : je ne prenais pas le temps de ressentir les choses. J’étais envahie par la panique et j’agissais par impulsion.
Je pense que dans ma vocation de conseillère de confiance aujourd’hui, il y a cette profonde conscience du fait que j’ai traversé des situations impossibles… Comme beaucoup d’entrepreneurs.
Mais j’ai tiré beaucoup de conclusions erronées de toutes mes souffrances : je pensais qu’il fallait que je sois plus secrète pour être moins vulnérable, alors que j’aurais au contraire sûrement gagné à embrasser ma vulnérabilité auprès des autres, et à être plus ouverte.
Par exemple, le choix de ne pas bosser avec un studio : très bon choix guidé par ma boussole interne. Heureusement que je l’écoutais encore.
Et en même temps… j’avais 25 ans, comment m’en vouloir ?
Ce que je choisis de retenir au final, c’est cette capacité qu’on a dans ces situations à dégager une énergie incroyable à notre service quand on est en phase avec qui on veut être. Apprendre le japonais en deux mois ? Même mes profs n’en revenaient pas, alors que j’étais dernière de la classe en école. Négocier dans les locaux de grandes multinationales ? No problem. Faire le tour de toute une scène artistique dans un pays inconnu ? Facile.
A l’époque, je voulais déclencher une révolution culturelle. C’était ni plus ni moins que mon esthétique. Être une révolutionnaire, ni plus ni moins. Cy Guevara !
Vous vous demandez sans doute si la révolution a eu lieu ?
Eh bien, ce sera pour le prochain caf’ du vendredi, où je vous évoquerai un deuxième épisode de mon parcours avec VoxWave, que j’intitulerai pour l’occasion : “ALYS Revolution !”
Avant de vous laisser j’ai quelques petits cadeaux de mes titres préférés qui ont été faits par la commu avec ALYS :
La plus onirique : Le Paradoxe de Ma Vie (Anthony Lo Re)
BON JE SAIS PAS CE QUE T’AS FICHU ANTHONY MAIS JE RETROUVE PAS LA VIDEO DE BASE QUI AVAIT DES DIZAINES DE MILLIERS DE VUES.
Du coup je linke celle là.
La plus émouvante : Nouvel Eden (Sumashu)
La plus triste et émouvante. Je vous laisse la découvrir par vous-mêmes !
La plus étonnante : Soleil ! S.O.U.L [OneThoughtRemains]
La chanson la plus étrange du lot : S.O.U.L [OneThoughtRemains] n’est d’ailleurs pas français. Mais moi j’adore cet univers un peu curieux et étrange aussi bien d’un point de vue sonore que visuel. C’est génial !
La plus MIGNONNE : Un Monde Alyste (Y0c0L)
Y0c0L ne parle pas un mot de français et pour le coup… Pour moi c’est ma préférée.
Bon, vous l’aurez compris, j’ai du mal à ne pas vous citer des tas et des tas de chansons. Je vous en mettrai donc la semaine pro aussi ;) !
Allez, @+ dans l’bus !
Cyrielle