Il y a un truc que j'entends souvent dans les discussions business, comme un refrain mi-fataliste mi-suspicieux, genre chanson d'un monde où l'on fume encore dans les open spaces :
"Tu veux réussir ? Alors arrête d'être gentil. Le business, c'est la jungle."
Et dans la foulée, on vous sort les figures habituelles du self-made asshole qui aurait tout conquis à la force de son poing sur la table (spoiler : dans 90 % des cas, il s'agit d'un héritier ou d'un start-upper subventionné par ses beaux-parents MDR).
Mais la vérité, c'est que la gentillesse - on verra après ce que ça veut vraiment dire - est une compétence stratégique en entrepreneuriat.
Oui, on peut remporter des victoires en écrasant tout le monde sur son passage. Mais le jour où vous vous croutez dans les escaliers, ce sont les mêmes gens que vous avez croisé à l’aller que vous croiserez au retour.
Autrement dit, ça demande plus de réflexion, mais les résultats sont bien plus durables.
On est parti ?
Vous l’aurez compris ceci est un article sponsorisé par les Bisounours.
Le mythe du requin des affaires (spoiler : il finit comme un méchant de film James Bond)
Les médias nous rabachent cette image de l'entrepreneur façon Loup de Wall Street sous coke ou Elon Musk en mode "si t’es pas prêt à aller jusqu’au burn-out pour ton job, t'as pas ta place ici".
C'est absurde. Et c'est surtout profondément biaisé.
Pourquoi ? Parce que dans l'entrepreneuriat réel — celui des TPE-PME, des boîtes à taille humaine qui emploient quasiment la moitié des salariés en France et constituent 99% du tissu économique français d’après cette enquête de l’INSEE d’ailleurs — le rapport de force n'est pas constant. (Cette phrase est beaucoup trop longue)
C'est pas la bourse.
C'est pas la tech en série C (les levées de fonds ne concernant d’ailleurs qu’une minorité d’entreprise et étant une très mauvaise idée dans 99% des cas haha).
Ce sont des gens, avec des émotions, des relations, des problèmes.
Et dans ce contexte-là, être une teigne et chercher à pigeonner vos clients pour établir la relation ne fait pas de vous un stratège.
Surtout à notre époque où les choses finissent vite par se savoir.
Vous surfacturez complètement votre produit et votre client n’est pas satisfait ? Tôt ou tard, il ira parler à un concurrent qui lui proposera mieux pour moins cher.
Vous traitez comme de la daube vos salariés ? A un moment donné, les écoles sauront que vous maltraitez des alternants et les étudiants se passeront le mot de ne surtout pas aller chez vous. Les chasseurs de tête vous fuiront comme la peste.
Et tôt ou tard vous aurez votre article de presse sur vous.
Ce que je dis marche dans les TPE-PME, mais quand j’étais auditrice financière je l’ai vu aussi, à une autre échelle.
J’ai vu des managers qui pensaient qu'hurler dans les réunions et mettre la pression à leurs équipes les rendait respectables.
En réalité, leurs équipes les détestaient et sabotaient discrètement leurs projets, notamment en cherchant à en sortir dès qu’elles pouvaient.
Pendant ce temps, les managers qui prenaient le temps d'expliquer, d'écouter, de dire merci... ceux-là avaient des équipes qui se décarcassaient pour eux et qui voulaient à tout prix bosser avec eux.
C’est aussi simple que ça.
On confond souvent charisme et agressivité. Mais le charisme, le vrai, c'est celui qu’on peut trouver chez tous les himbos Marvel comme Captain Americao ou Thor : gentils par nature, quand on leur cherche des noises on en fait vite les frais parce qu'ils dégagent une solidité inébranlable.
Le charisme c’est la capacité à donner envie de bosser avec vous, pas celle de faire peur à tout le monde dans une réunion.
En réalité, la gentillesse, la fiabilité, l’intelligence émotionnelle, appelez ça comme vous voulez... c'est extrêmement rare dans un monde professionnel qui se réfugie souvent derrière les faux-semblants.
Et là je vous vois, ceux qui se disent que parce que vous êtes trop gentils, on abuse de vous. Il est temps justement de prendre les choses à l’envers et de vous dévoiler un bienfait improbable de la gentillesse.
La gentillesse comme radar à connards
Être gentil, c'est tendre la main la première fois. Et parfois, les gens mordent dedans.
Votre réaction est probablement celle-ci :
Mais tant mieux. Vraiment.
Pour tout vous dire, c’est mieux qu’ils le fassent DES LE DEBUT.
Parce que la vraie dangerosité, ce ne sont pas les gens qui vous détestent ouvertement. Ce sont ceux qui vous utilisent poliment, en silence.
Quand vous êtes perçu comme gentil, certains pensent que vous n’allez pas remarquer s’ils vous mettent une douille.
Et c'est là qu'ils tombent le masque et vous montrent leur vraie nature.
J'ai un exemple concret : dans mon activité, comme je l’explique souvent, ce sont mes clients qui décident de combien ils me paient.
Que les montants d’entrepreneurs débutants ne soient pas très conséquents, ça ne me choque pas. Après tout, sortir 100€ par mois quand on se lance, c’est un montant très conséquent quand on a 0€ de CA.
Malgré tout, il y a aussi des petits malins qui vont me dire, avec une petite lumière dans le regard :
-Mais du coup, ça veut dire que j’ai le droit de ne rien te payer du tout si j’en ai envie ?
Bingo. J’ai eu accès directement à leur psyché.
En général, je leur réponds gentiment et avec le sourire :
-Mais tu sais, rien ne m’oblige à travailler avec toi.
Résultat ? Je fais le tri. Ma gentillesse initiale sert de test de personnalité... et certains se prennent les tapis d’eux-mêmes.
Gain de temps pour tout le monde non ?
Quand vous êtes sympa, voilà ce qui se passe :
-Certains vont vous mentir en espérant que vous allez tomber dans le panneau.
-D’autres vont se barrer et vous laisser payer l’addition (littéralement ou figurativement).
-Vous en avez aussi qui vont se dire que vous n’allez pas leur dire non s’ils vous réclament constamment de l’argent.
-Et enfin… certains vont juste être touchés de voir quelqu’un leur tendre sincèrement la main, et vous rendre la pareille en mille.
Gentil ne veut pas dire faible.
Pour tout vous dire cet article d’ailleurs m’a été inspiré directement d’une discussion par une étudiante dont l’alternance se passait très mal. Je ne sais pas si elle lira cet article, mais elle m’a posé la question :
“Mais Madame, comment vous faites pour rester gentille tout en étant solide comme la roche”.
Je lui ai fait une réponse un peu plus complexe que cet article, mais je lui ai notamment expliqué la vertu de la gentillesse (car elle, ça se voit, c’est une gentille).
(Bold of her d’assumer que je suis solide comme la roche en vrai mais ça m’a touchée…)
La gentillesse sincère n'est pas un piège. C'est une lampe frontale qui éclaire la mine de la psychologie humaine. Plus vous êtes gentil et solide, plus les autres se révèlent rapidement.
Être gentil quand on est neuroatypique : transformer sa "faiblesse" en superpouvoir
Héhé non, je ne parle pas de devenir le Punisher
C’est pour vous mes petits AuDHD !
En tant que personne neuroa je le sais bien : on nous a souvent fait croire que notre empathie, notre sensibilité, notre tendance à "prendre les choses à cœur" étaient des faiblesses en business.
Bullshit total.
Cette sensibilité est un puissant radar émotionnel. Si vous êtes neuroa, vous captez des signaux que les autres ratent.
Vous sentez quand un client va mal avant qu'il ne vous le dise.
Vous percevez les non-dits, les frustrations, les besoins cachés.
Récipoquement, vous ne vous offusquez pas de certains comportements qui peuvent surprendre la majorité des gens.
Dans mon cas j’ai réussi à faire un job du fait d’être une pipelette qui passe sa vie sur son téléphone, le rêve de tout adolescent :p.
Souvent du reste, les neuroa me disent souvent qu’ils ne savent pas “se vendre”.
C’est faux.
Déjà “se vendre”, terrible expression.
Ensuite, souvent, là où ils manquent de compétence, c’est pour amener les autres à s’engager pour eux, voilà tout. Et ça, on y remédie.
Arrêtez de penser que vous devez changer qui vous êtes pour réussir. Votre sensibilité, bien canalisée, c'est votre avantage concurrentiel.
Comment être gentil ET ferme (la main de fer dans le gant de velours ?)
Aimer sincèrement ses clients, ça ne veut pas dire accepter n'importe quoi.
Parfois les gens abusent, même involontairement. C’est là où savoir poser ses limites devient important… Et savoir se protéger aussi quand ça commence à partir en savonnette.
Voici quelques exemples de phrases magiques pour rester gentille ET poser ses limites :
Quand un projet ne vous convient pas : "J'ai réfléchi à votre demande, et je pense que vous seriez mieux accompagné par quelqu'un d'autre. Je peux vous orienter."
Quand une demande dépasse le cadre (mais que ça reste dans votre périmètre de compétence : "Merci d’avoir pensé à moi pour cet élément. Comment voyez-vous les choses pour l’organisation de cette nouvelle mission ?". Evidemment, si le budget n’est pas abordé, c’est là où vous posez la question sous un angle type : “Et quel est votre budget pour ça ?”)
Quand quelqu’un vous envoie ses émotions au visage sans filtre: "Je comprends tout à fait votre frustration, mais (recadrer par rapport à des éléments factuels, par exemple : “il s’est passé ça ça et ça, et nous sommes obligés d’en tenir compte dans la situation”."
L'idée ? Le non est souvent compliqué dans un processus de négociation, aussi vaut-il mieux utiliser des techniques alternatives pour s’assurer des intentions réelles de votre interlocuteur et des réels enjeux de la situation.
Et ultimement, dire non si cela devient un impératif.
Que faire quand on tombe vraiment sur un bâtard ?
Parfois, vous tombez sur des clients franchement toxiques ou des secteurs ultra-compétitifs où jouer gentil vous fait passer pour un pigeon.
Dans ce cas, voici la stratégie que je peux vous préconiser :
Rester professionnel et pol (“Merci pour cette information”), mais devenir factuel, voire légaliste.
Conscientiser les émotions que vous vivez plutôt que les réprimer.
S’ouvrir à ses proches et à des professionnels de cette situation si c’est litigieux (“T’en penses quoi toi ? Ca craint un peu non ?”). Cette étape est LA PLUS IMPORTANTE car votre entourage fait vraiment la différence à mon sens.
Documenter tous les échanges par écrit
Passer en écoute active, et utilisr vos techniques de négociation pour résoudre la situation
L'idée n'est pas de devenir méchante, mais de passer en "mode business" sans perdre son humanité.
Conclusion : La gentillesse à la base de toute relation de confiance ?
Être gentil dans l'entrepreneuriat, ce n'est pas être faible. C'est avoir le courage de rester humain dans un monde qui nous pousse à être robotique, cynique, ou perpétuellement sur la défensive.
C'est comprendre que la vraie influence ne vient pas de la peur, mais de la confiance. C'est jouer le long terme, quand beaucoup ne pensent qu'au trimestre prochain.
Et c'est, finalement, choisir une voie où l'on dort bien la nuit, même si ça prend un peu plus de temps pour tout construire, c’est pas mal.
La bonne nouvelle ? Les gentils qui savent poser leurs limites gagnent toujours à la fin. Parce qu'ils bâtissent avec de l'amour, de la rigueur, et une réputation en or massif.
Perso je préfère mille fois cette version-là de la réussite que celle où l'on finit seul, riche et détesté dans une suite d'hôtel à Dubaï avec des NFT moches périmés depuis 2021 pour seule compagnie.
Mais après, à vous de voir ce que vous préférez :).
Allez, @+ dans l'bus !
Cyrielle
Life goal ! 100% d'accord, merci d'y mettre les mots ❤️
Je trouve ça difficile à mettre en application ceci dit, pour ma part j'en viens souvent à en vouloir à mes clients, s'ils ne sont pas eux aussi gentils (sans pour autant être méchants, mais pas dans la même vibe d'empathie et de sensibilité).
Je me dis parfois qu'il faudrait + s'en foutre au contraire...