Comment j'ai perdu 50 000€ et j'en suis finalement heureuse (partie 2)
La magie de voir grand
Cet article fait partie d’une série sur ma première entreprise, retrouvez les parties 1 et 3 ici et ici.
La semaine dernière je vous ai déballé pas mal de choses sur le lancement de mon projet avec ALYS.
Ca m’a BEAUCOUP fait réfléchir, beaucoup remuée, et j’ai failli écrire une newsletter sur autre chose cette semaine “juste pour souffler”.
Et puis finalement non, je me suis dit que j’allais poursuivre, parce que je vous dois bien ça chères lectrices et chers lecteurs, et je me dois bien ça aussi.
Alors cette semaine le thème ça va être : “2014-2016 : Guerre et Stress”.
En fait, à la minute 1 où j’ai créé mon entreprise, j’ai eu une énorme boule au ventre qui est apparue. Un truc lancinant, très installé dans mes entrailles, qui ne m’a pas quitté de 2014 à la liquidation de la société en 2021. Je ne sais pas comment vous le décrire mais juste, ce point de stress, cette boule, elle était là en permanence. Quand je me levais le matin et me brossais les dents jusqu’au moment où je me couchais. Cette boule distillait en permanence du poison dans mes veines.
-C’est sûr, tu vas te planter.
-Les gens vont t’abandonner.
-Quelque chose va faire que ça va exploser en vol.
Le problème à cette époque c’est que j’avais 0 formation en développement personnel. J’aimais beaucoup Spinoza mais je n’arrivais pas à faire le lien avec la réalité. Je ne voyais pas qu’en fait, cette petite voix qui te raconte de la merde, elle est là pour tout le monde, et qu’il ne faut surtout pas la cacher sous le tapis.
Il faut la traîner à l’extérieur, au grand jour, et l’exposer. Qu’en fait vivre avec cette voix, c’est vivre avec un coloc’ dégueulasse qui commande tous les jours Macdo sur Deliveroo, ne fait pas le ménage, parle avec une voix de canard étouffé, et n’a jamais rien fait de bien de sa vie.
Là d’un coup la crédibilité de la petite voix elle en prend un coup.
Ensuite une fois que Mr Canard te regarde un peu décontenancé, il faut trouver une façon de faire disparaître le personnage.
Dans mon cas c’est facile, j’ai toujours un personnage de fiction que j’adore dans un coin de ma tête. Parfois c’est Alucard de Castlevania, d’autres fois c’est le T-800 de Terminator 2. Quoi qu’il en soit je m’imagine que Mr Canard se retrouve confronté à l’un de ces personnages protecteurs dans ma tête. Puis je murmure : “Allez dégage” en tapant dans les mains, et je m’imagine qu’il lui arrive ce qu’on peut décemment imaginer d’un combat contre un épéiste ou un androïde de combat venu du futur et un type qui n’a pas fait de sport depuis au moins les années 90.
Voilà comment on se débarrasse de la petite voix.
Hihi… Alucard… Il fait chaud ici d’un coup vous ne trouvez pas ?
Je vous rassure, parfois elle finit par revenir en rampant essayer de reprendre la place dans le salon. Voilà pourquoi d’ailleurs dans l’univers de fiction que j’ai développé, cette petite voix s’appelle l’Inexorable…
Mais hey, c’est le propre des protecteurs de faire leur boulot.
Le problème, je le réalise à l’écriture, c’est que je n’avais jamais été vraiment stressée avant : pour moi l’idée de rater les concours de l’ENS ne m’était même pas passée par la tête. Et pour l’agrégation, j’ai plus ou moins décidé de ne pas donner mon maximum…
Je vous livre ce tips car l’histoire que je vais vous raconter, c’est l’histoire de quelqu’un qui s’est laissé bouffer par sa petite voix intérieure.
Et ça ne l’a pas empêché de faire un projet extraordinaire : le premier concert entièrement en hologramme de France.
https://getyarn.io/yarn-clip/87a41eef-7891-4078-8dc5-4c79be1e4500
Je laisse Sean le dire pour moi <3
Mais alors comment qu’on fait un concert en hologramme hein ? A keski parait c’est pas facile.
2014-été 2015 : Les premiers concerts.
En août 2014 je suis BOUFFEE par l’angoisse.
Je me rends compte que trouver 250 000 balles pour le logiciel de Crescendolls ça va être compliqué.
Pour autant, il y a des choses qui s’annoncent sous un jour favorable. Notamment, nous avons lancé le développement du prototype d’ALYS sur UTAU : on a fait les enregistrements chez Sia sur deux jours (Sia le S hein vous allez voir qu’il m’a vraiment supportée dans cette période… Et pas juste soutenue), et ensuite on a lancé la réalisation du premier clip d’ALYS, Dans mon monde. A cette époque, on a commencé à monter une collaboration avec différents artistes : un youtuber spécialisé dans la musique, Tai, qui dirige un groupe appelé Starrysky (qui existe toujours d’ailleurs), et une animatrice 3D qui s’appelle Miky-Rei (toujours en activité elle aussi, d’ailleurs ce qu’elle fait est magnifique je vous le linke ici).
Et… entendre ALYS chanter dessus pour moi à l’époque c’était très émouvant.
Le fait est que si vous cherchez Dans mon monde sur Youtube, vous ne trouverez pas la vidéo originale facilement. Spoiler alert : ce n’est pas pour une raison heureuse.
Toujours est-il qu’en plein mois d’août j’ai un appel pour le moins incongru avec l’organisateur d’une convention pour lui parler de notre projet.
Il me dit que lui, il trouverait ça fort d’organiser le premier concert de chanteurs virtuels en France.
Il essaie de me demander si on ne pourrait pas avoir la superstar japonaise à bord, et je lui réponds gentiment que non, c’est impossible pour des raisons de droit (et je n’ai pas super envie de tenter une négo avec le Japon pour des raisons évidentes).
Mais par contre nous on peut le faire avec ALYS…
On s’est donc retrouvé avec six mois pour produire un format de showcase de 30 minutes avec ALYS, dans laquelle il fallait qu’elle danse en 3D sur scène.
Tout ça alors qu’en deux mois tout ce qu’on avait c’était un clip 3D de 2 min.
Do the math.
Et que je n’avais jamais fait de concert de ma vie.
Je vous passe tous les détails mais il faut voir qu’à l’époque j’étais super impliquée dans toutes sortes de communautés en ligne, et j’avais un oeil pour détecter les talents.
Comme ce gars qui avait fait un énorme travail de recherche pour trouver LA TOILE sur laquelle quand on projetait à plus de 1000 lumens une vidéo, on arrivait à créer l’illusion d’un hologramme.
Et oui les petits loups, sorry si je vous déçois, mais en fait l’hologramme façon Star Wars ça n’existe pas : ce qu’on a, ce sont des variantes d’un procédé physique appelé le fantôme de Pepper : en gros, on a besoin d’un support pour réfléchir une image, que ce soit directement ou indirectement.
Dans notre cas donc, il fallait soit que l’image vienne par l’arrière, soit que l’image vienne par le biais d’un projo installé sur une tour, pour permettre aux musiciens d’avoir des jeux de scène et de bouger librement..
Mais à l’époque, aussi pour valoriser l’association de ce garçon, je voulais que ce soit lui qui vienne avec nous, plutôt qu’on lui “pique” ses connaissances.
Je faisais tout ça en toute innocence : pour moi, on était dans un moment collaboratif, où chacun pouvait contribuer librement, et c’était super beau de voir un collectif artistique se développer comme ça.
Je n’avais aucune idée que de l’extérieur, on pouvait me voir comme une sinistre employeuse faisant du travail dissimulé. On faisait des contrats de droit d’auteur mais à l’époque, je n’avais aucune idée qu’il fallait faire des millions de vues pour générer du cash sur Youtube. Avec 300 000 vues on avait fait… 100 balles sur Dans mon monde ? Dont on a jamais vu la couleur d’ailleurs puisque notre diffuseur ne nous l’a jamais versé (more on this later…).
Malgré tout, le fait est qu’en mars 2015, un an après la naissance d’ALYS, on a pondu notre showcase.
L’énorme avantage qu’on avait en développant ALYS comme une chanteuse virtuelle franco-japonaise, et d’utiliser UTAU, c’est qu’on avait accès à tous les fichiers de la communauté UTAU.
Et que mes deux associés étaient des super fans.
Donc on a un peu triché pour ce showcase de 30 minutes :
-Mes deux associés avaient interviewé des tas de compositeurs de musiques… On a demandé à certains si on pouvait faire une cover par ALYS de certaines chansons. C’est comme ça qu’on a eu Dancing Samurai. Hop, une chanson à écrire de moins, surtout que la chorégraphie existait déjà sous MMD, le logiciel sur lequel on avait développé un modèle 3D d’ALYS. Hop, une chanson de plus.
Merci les pirates de l’Internet pour mettre à dispo des chansons comme celles-ci. Au passage l’album s’appelle “Espoir” comme la capsule de voyage dans le temps de Trunks dans Dragon Ball.
-Je ne sais pas pourquoi mais on s’est dit que ce serait bien de mettre une chanson que notre public (des geeks vous vous en doutez) connaîtraient et qui leur feraient un point d’ancrage émotionnel fort. Et là j’ai du dire : “Pourquoi pas le générique de Pokémon ?” Et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé à faire une cover du générique de Pokemon. On a récupéré une choré sur le même BPM et hop, ni vu ni connu j’t’embrouille (ça c’était shady, j’avoue).
Dur pour moi de l’écouter sans pleurer maintenant. C’est pas de la nostalgie, plus de la rage, vous comprendrez pourquoi.
-Entre temps on a produit trois autres titres. On a fait une version longue d’une des chansons en guise d’introduction du concert et hop… On avait 30 minutes.
-Au milieu de ça, on a mis deux trois moments un peu rigolos où ALYS essaie de parler au public et n’arrive pas à parler correctement, et le tour était joué.
Enfin, si ce n’est que c’était épuisant moralement et physiquement de faire tout ça, d’autant que ça n’était qu’un des aspects de ce qu’on faisait.
Une semaine avant la convention en effet, je me retrouve avec un kyste à la gorge qui apparaît comme une excroissance sur un des côtés de mon visage. Terrifiant le truc.
J’aurais aussi un kyste à l’oeil qui m’empêche pratiquement d’ouvrir l’oeil pendant quelques jours.
Et puis ça s’en va comme si de rien n’était.
Car oui, mes journées étaient bien chargées :
Entre temps, je devais me démener pour essayer de trouver ces fameux 250 000€ pour financer la version définitive sur ALYS, et je prenais petit à petit conscience du fait que les subventions en France, ça n’était pas si facile d’en avoir.
Surtout quand on a 25 piges et qu’on a un projet complètement en décalage avec ce qui se fait à l’époque (je rappelle qu’en 2015 le paysage des start-ups c’est 1) les objets connectés, 2) les applications mobiles, 3) la “silver economy”, aka les produits pour les retraités).
Et qu’on ressemble à Didier Bourdon, comme me le dira Cyrille Eldin lors d’une interview pour le Petit Journal. Ou Jack Black, invité du plateau ce jour là, comme je lui réponds du tac au tac.
Quoi qu’il en soit, de tout ce marasme, on arrive à faire une minie tournée : on arrive à caler des dates dans quatre conventions, et le public est au rendez-vous à chaque fois.
Et puis arrive Japan Expo.
Eté 2015 : Explosion et retour à la case départ.
En fait, tout ça, ça donnait une émulsion. Mais fatalement, à multiplier les collaborations sans jamais structurer et stabiliser une équipe, ça faisait qu’on ne mettait pas vraiment en place de pipeline.
Et puis on ne gagnait pas vraiment d’argent dans tout ça. En tout cas, pas de quoi permettre à une équipe composée d’une dizaine de personnes de vivre.
Mais pour moi c’était logique : on était dans une logique de croissance où on cherchait à se développer, et très rapidement on allait multiplier les dates et donner plus de concerts, mieux payés, tout en vendant davantage de produits (CDs, etc…).
Du coup j’étais plein gaz sur la recherche de financements, plein gaz sur le développement commercial, et plein gaz sur le développement artistique.
Ca fait beaucoup de plein gaz.
La moindre étincelle aurait tout fait exploser.
Sauf que là plusieurs lance-flammes se sont allumés en même temps.
Le premier, c’est que la collaboration avec Tai est partie sévèrement en savonnette. Je vous expliquerai tout dans la partie trois mais la fin de notre collaboration s’est très mal passée.
Nous nous entendions très bien mais nous avions sans doute des aspirations divergentes, qui auraient pu être réconciliées si on avait été capable de communiquer, et pas exacerbées.
Sauf que dans l’ombre, différentes personnalités s’affairaient à déclencher un conflit entre nous.
Le genre à se pointer à la seule réunion à laquelle je ne pouvais pas assister et à traiter Tai de connard devant tout le monde.
Le genre de choses qui met fin à des négociations et à des relations professionnelles évidemment.
Et le fait est qu’à ce moment là, j’avais les pieds dans le ciment. J’étais terrorisée. La petite voix ne parlait pas, elle hurlait. Impossible de retrouver ma respiration.
Je n’ai pas réussi à reprendre la main.
Ça a explosé.
Quelques mois plus tard, en mars 2016, une vidéo était publiée, qui de façon pernicieuse, nous accusait de tous les maux.
C’est là où j’ai reçu mes premières menaces de mort sérieuses de la part de fans quelque peu… inconséquents, dirais-je pour rester polie.
Ca fait drôle.
Nous avons pu avoir des discussions avec Tai sur ces sujets qui ont montré que finalement à cette époque, nous étions tous deux sous emprise de personnes qui nous poussaient à agir de cette façon.
Mais là encore, ce sera pour la partie 3.
A me lire, vous vous demandez peut-être pourquoi la leader enthousiaste que j’étais à cette époque s’est “laissée faire” de cette façon.
En fait, le fait est que dans ma recherche de financement, j’avais approché Scientipole Initiative, un organisme qui faisait des prêts d’honneur pouvant aller jusqu’à 60 000€.
Ca tombe bien, c’était ce dont on avait besoin.
On a démarré un suivi en février-mars, quelque chose comme ça. Pas mal de rendez-vous avant de passer devant un jury. Au final c’était plutôt pas mal : ça nous permettait de rencontrer un chargé d’affaires et une personne du monde de la tech et d’avancer sur notre projet.
On a répété plusieurs fois le pitch ensemble, et ça devait rouler comme prévu.
Sauf que ça ne s’est pas passé du tout comme prévu.
Je m’attendais à un jury surpris et intrigué par la démarche.
A la place, l’un des membres du jury est parti complètement en sucette : il a pété un câble et a commencé à hurler en répétant plusieurs fois “Mais vous habitez où avec un projet comme ça ? Vous habitez où ?”
Je ne m’y attendais pas : c’était la première fois que quelqu’un me tombait dessus de cette façon, en plus devant une dizaine d’autres personnes, et devant mes associés.
Le soir même, je me suis effondrée en sanglots, et quelque chose de mon enthousiasme pour le projet est mort ce soir-là.
Je m’attendais à ce que ce soit dur.
Je ne m’attendais pas à ce que ce le soit autant.
C’était la deuxième explosion. La première, en réalité, chronologiquement.
Quelques jours après, je suis partie en vacances car c’était ce que j’avais prévu et je n’avais pris aucune pause depuis l’été dernier.
Une décision qui m’a été beaucoup reprochée par la suite.
Septembre 2015 - Mai 2016 : transition vers une nouvelle dynamique.
Je rentrerai plus en détail dans l’épisode 3 sur toute cette partie, mais disons que dans cette séquence :
-On perd les droits sur la moitié des chansons qu’on a produites avec ALYS. Parce que oui forcément, comme on s’est brouillé avec Tai, et qu’on a aucun contrat de signé à cette époque, on se retrouve dans des situations compliquées niveau droit d’auteur.
-On a obtenu les financements qu’on recherchait (60 000€ donc), en repassant devant le jury de Scientipole Initiative.
-J’ai fait un voyage à Montréal qui nous a permis de lancer un co-développement d’ALYS sur le logiciel Alter/Ego.
Une petite vue du haut de la tour centrale de Québec City, c’est cadeau.
-Seulement 10 000€ ont réellement servi au développement de la société.
-On a eu deux salariés, dont on s’est séparé.
-Globalement les chansons d’ALYS sur cette période sont déprimantes : un clip sur le suicide, un clip sur le harcèlement scolaire. Avec le recul, c’était hyper plombant de produire des clips sur ces thèmes.
-Par contre avec Lightning on lance une collaboration super enthousiasmante avec un modèle amusant de performance avec improvisation où à chaque conclusion de concert, les fans découvrent un dessin original d’ALYS fait par une illustratrice pour l’occasion. Franchement c’était le truc cool de la période.
-On change de locaux pour aller s’installer dans un centre artistique dédié aux arts numériques.
-Je démarre du mentorat avec le prix Moovjee qu’on a remporté à cette époque. Si vous voulez voir la RP de l’époque… (la photo de moi… vous reconnaîtrez ma capacité à créer du cringe partout où je vais).
Et pourtant on initie une nouvelle dynamique, avec notamment un artiste très stylé qui rejoint le projet à cette époque, Lightning. Il apporte un vent de fraîcheur et d’optimisme dans tout ça, ce dont j’ai VRAIMENT besoin à l’époque.
Avec lui on va notamment sortir deux titres qui sont de purs bangers : Sous cette pluie et Oxygène.
Quel banger cétrobo qu’on ait sorti ce clip :’(
On reste dans des thématiques émotionnelles mais cette fois ça parle de comment on se délivre de relations toxiques ou de comment on apprend à être soi.
Et ça, ça va commencer à me faire réfléchir sur qui je suis moi, au fond.
Toujours est-il qu’en mai 2016, on a sorti ALYS sur Alter/Ego et on a clos un énorme chapitre de notre développement. Se pose alors la question de savoir ce qu’on va faire.
C’est là où mon mentor m’introduit à l’effectuation.
Il me fait la remarque que depuis le début, on essaie systématiquement de faire les choses “trop bien” et que ça nous ralentit, car ça nous empêche de gagner en rapidité d’exécution.
Et c’est là où il me suggère de faire un concert. Un gros truc. Pas un truc pour une convention non : une salle à nous.
En me faisant remarquer qu’en me mettant dos au mur, ça me rendrait créative.
Et que ça serait aussi l’occasion de ressouder tout le monde autour d’un projet commun. Parce que là avec mes associés, ça part un peu dans tous les coins.
J’appelle un peu tout le monde, au final Lightning est enthousiaste à l’idée de faire ce projet.
En parallèle, je lance l’idée de faire une nouvelle chanteuse plus axée sur le thème de la rébellion, pour équilibrer avec ALYS qui est une figure de sagesse, mais justement… Parfois un peu trop sage.
LEORA, la best.
On crée aussi une nouvelle tenue pour ALYS, Innocence. L’occasion pour moi de constater aussi que décidément, pas mal de gens voient le mal partout : on nous reprochera d’avoir fait une ALYS “trop sexualisée”... J’avoue que je n’ai jamais trop compris.
Toujours une énigme pour moi…
Petit aparté d’ailleurs, dans cette période je découvre ce que j’appellerais par la suite la “crypto-transphobie” : on me répète tout le temps qu’ALYS “ne sera jamais une vraie chanteuse”, que “ça reste une machine désincarnée, une parodie de chanteuse”, qu’elle est “trop sexualisée et que ça porte atteinte à l’image des vraies femmes”. Tout un tas de choses que je vivrais dans un passage ultérieur de ma vie.
Terrible.
Mai 2016 - Décembre 2016 : There we are.
Une fois lancé sur un projet comme celui-là, il n’y a plus qu’à.
La date du concert est fixée au 16 décembre 2016. Nom de Code : Rêve de Machine. Une fois annoncée, plus moyen de reculer.
Pour l’anecdote, les gens qui commandaient en ligne recevaient une lettre signée par ALYS.
C’est sans doute la période où je fais les trucs les plus fous :
-On développe un modèle 3D from scratch sur 3DS Max avec des stagiaires en modélisation / Animation 3D : l’idée c’est de proposer une toute nouvelle direction artistique pour les chansons titres du concert, et de changer un peu du modèle MMD qu’on a.
-On va construire une setlist de 16 chansons. Bon, bien sûr, sur ces 16 chansons, il y en a quelques unes qu’on a déjà jouées en concert sur la saison 2015-2016 avec Lightning Mais globalement ça va nous obliger à redoubler de créativité : aller chercher les créations de notre public, en commander d’autres. Trouver aussi comment habiller visuellement chaque chanson pour un format concert. Faire des remix pour donner plus de peps.
-On va tourner les chorégraphies de toutes ces chansons sur l’été avec une combinaison de motion capture Do It Yourself Perception Neuron. Les meilleurs 1 000 balles que j’ai dépensés du projet honnêtement : avec ça on a pu produire en six mois ce qu’on aurait mis un an et demi à produire.
-On va prendre des freelances pour nettoyer les animations 3D “brutes” obtenues à partir de Perception Neuron.
-Recruter une équipe pour jouer. Avec Lightning, on se retrouve avec deux guitaristes, un batteur et un bassiste.
-A Londres, je rencontre Esprit d’air, un groupe très dans l’esprit de ce qu’on fait (sans mauvais jeu de mot), et je les recrute pour une première partie.
-Lever les fonds pour financer tout ça (fonds que j’obtiendrais en… Janvier 2017. Oui vous m’avez bien lue, après le concert).
On a vécu des choses assez géniales :
-Pendant une semaine, les répétitions dans le centre artistique où on était, c’était assez fou à faire. Je dormais avec l’équipe, Lightning gérait la répétition avec les musiciens en salle de répétition, et j’apportais tout au long de la journée les updates des vidéos qu’on rendait, l’une après l’autre, pour assembler le show en direct.
C’était incroyable de voir quelque chose sortir de terre.
-Et puis le jour J. Je pourrais vous raconter tout ça dans le détail : la façon dont on s’est pointé pour faire toute l’installation. Dont on a terminé le montage de certains éléments vidéos le jour même.
Le fait que comme on n’avait pas de buffet, Sia est allé à la pizzeria locale et a du commander la carte de toutes les pizzas à la carte. Deux fois.
L’ambiance.
Quand on a vécu ça, on ne se demande pas si on deviendra une star un jour.
On sait qu’on EST une star.
J’ai compris ce que c’était ce que j’étais vouée à être, que je le veuille ou non.
Ce qui me frappe à l’écriture de tout ça c’est que… En fait j’ai construit tout ça sur des bases très différentes de l’année précédente.
Je me suis longtemps reprochée de ne pas être professionnelle, principalement pour mes erreurs commises pendant l’année 2015-2016.
Mais ce que j’ai fait pendant la période 2016-2017… C’était vraiment ce qu’on pouvait attendre d’une entrepreneure.
Le 16 décembre 2016, le concert a eu lieu. C’était un moment magnifique. Unique.
Est-ce que ça a été un succès commercial ?
Non, au final, on n’est pas rentré dans nos frais.
Est-ce que c’était un succès artistique ?
Oui.
C’était beau.
Ce n’était pas parfait.
Mais c’était puissant.
Le propos marchait.
Les gens ont aimé.
Ce succès de Rêve de Machine, on n’a pas réussi à le rééditer par la suite. Mais ça nous a donné de l’élan :
-L’élan de se dire qu’on était des artistes. C’est après ça que j’ai écrit toutes les chansons que j’ai écrites pour ALYS. Et c’est ça qui m’a poussé à assumer mon envie d’écrire de la fiction.
Proof I’m an artist… If I ever needed one. Et les 10 premières secondes de la vidéo vous font comprendre pourquoi j’ai pris comme deuxième prénom Alys :p.
-L’élan de voir qu’on avait une communauté incroyable qui nous suivait. C’est suite à ça que l’année d’après on a organisé le ALYS Fan Gathering, un événement communautaire incroyable qui a permis à tous les fans d’ALYS de passer une journée avec nous, avec une expo d’artworks et un concert très intime.
Et pourtant…
Pourtant, en janvier 2018, je démissionnais pour burn-out de mes fonctions de présidente. Comme foudroyée.
Pourquoi ?
C’est ce que je vous raconterai la semaine prochaine.
Les leçons que je tire de cette période de ma vie sont les suivantes :
-C’est normal de faire des erreurs. Et en réalité, on peut se remettre de la plupart des erreurs qu’on fait. Les erreurs nous rendent créatifs, au final. Donc il y a un avantage à réussir. Surtout quand on sait pourquoi on le fait.
-Et c’est bien ça le sujet central : savoir pourquoi on fait les choses. C’est le truc le plus précieux. Le sens. Tout le problème dans cette période ce n’était pas tant le stress. C’était quand on tapait sur mes motivations derrière. Qu’on me décourageait. Qu’on m’accusait d’être une escroc. Une mauvaise personne. J’en parlerai davantage la semaine prochaine mais c’est une période difficile car quand on se fait harceler, on perd le sens de pourquoi on fait ça. Ca tape dans nos valeurs.
-Avec le recul, ce qui me manquait le plus, c’était un entourage solide. Les explosions de juillet 2015 ont sérieusement entamé la relation entre mes associés et moi, et ça ne s’est jamais vraiment arrangé à partir de là. Entendons nous bien : je n’aurais jamais monté la boîte sans eux. Mais nous aurions eu besoin de quelqu’un pour nous aider à réguler la relation entre nous. Et nous n’en avions pas vraiment.
-Mais au final, en dernier recours : ça vaut le coup d’avoir de l’ambition. Ca vaut putain le coup. Ne pas s’autoriser à avoir de l’ambition est une erreur : on se limite énormément.
On m’a souvent dit que c’était une erreur de faire le Trianon aussi tôt dans l’histoire d’ALYS. Qu’il aurait fallu accumuler les conventions, les petites salles, avant.
Je ne pense pas.
Parce que les salles de concert ne nous répondaient pas, et que les conventions n’avaient pas le budget pour avancer avec nous.
Alors hey, comment on aurait du faire ? Engager un commercial ? On en reparlera la semaine prochaine mais ma réponse à ça : LOL.
Non, ce qu’on aurait dû faire, c’est du build in public. Au lieu de se cacher, d’avoir honte, on aurait du assumer le fait d’avoir un projet en construction. Faire des vlogs. Montrer tout ce qu’on créait. Montrer les doutes, les errances. Le diffuser sur tous les réseaux.
La peur qu’on avait de se cramer nous paralysait.
Alors qu’en réalité, les gens oublient tellement vite qui vous êtes. En bien comme en mal.
Certains sont persuadés que les dramas successifs qu’on a eus ont éloigné notre fanbase de nous.
Je pense que la plupart des fans n’en avaient rien à faire : ça ne concernait qu’un petit noyau de gens, mais qui étaient très actifs. La plupart des fans voulaient juste de l’entertainment, et c’était ce qu’on leur offrait.
Et puis au final, toute l’histoire que je vous raconte, ça fait une sacrément bonne histoire non ?
On en reparle la semaine pro ?
@+ dans l’bus !
Cyrielle
Cet article fait partie d’une série sur ma première entreprise, retrouvez les parties 1 et 3 ici et ici.